# VAGUER, RALENTIR, ECOUTER BRUIRE


Un monde qui bouge, un pays “en marche”, la rapidité, la croissance, le culte de l’efficacité, de la quantité, des records, le recours aux algorithmes, aux sondages, aux digests… on voit bien que le monde tel qu’il va (s’il va…) ne peut fonctionner, pour ceux qui le gouvernent, qu’à l’intérieur d’une logique où le temps est un combustible qu’il convient de consommer le plus vite possible, comme d’ailleurs les autres ressources.

Or le temps, qui est non seulement une ressource, mais la ressource absolue, le levain de toute vie, ne l’est que parce qu’il accorde aux existences une gamme infinie de durées et de rythmes. Ces temporalités distinctes et enchevêtrées aménagent les conditions d’une vie intégralement déployée, à laquelle chacun, selon son mode, peut avoir accès. Cette expérience en prise directe, pourtant, est constamment empêchée par la tendance à l’uniformisation des rythmes qui caractérise une société fondée sur la croyance en un temps purement linéaire, formé de séquences identiques et interchangeables.

Le mouvement qui emporte ainsi les hommes dans un temps comptable et dévorant qui ne parie que sur l’accélération semble irréversible. Mais pourtant chacun, dans sa vie, tout en étant emporté, entrevoit d’autre possibilités, d’autres manières d’habiter le temps et de le vivre. Des manières qui rompent avec ce rapport usufruitier au temps et qui libèrent les énergies contenues dans des registres échappant à la loi du rendement maximum et à la pesanteur et aux injustices qu’elle fait régner…

Ici chaque instant de lassitude ou de fatigue peut être considéré comme la matrice d’une possibilité de conscience. Mais c’est vers des expériences prolongées, vers des expériences mettant en évidence le caractère multiple du cours du temps qu’il faut se tourner. L’art bien sûr mais aussi l’ensemble des activités humaines sont concernés. L’idée d’un ralentissement qui serait fondateur n’a rien à voir avec l’adjonction, au titre de supplément d’âme, de petites pratiques hédonistes qui viendraient contrebalancer l’hystérie. Ce dont il est question, via l’hypothèse d’un ralenti, c’est d’une reconversion, c’est de la reconduction de ce que Walter Benjamin avait appelé des « expériences de seuil ». Il trouvait que son temps en manquait. Qu’aurait-il pensé du nôtre ! Le seuil ce serait justement le temps de la considération du temps, le temps d’un voir venir qui serait aussi celui d’une attention décuplée.

Jean-Christophe Bailly

Crédit Photo Raphaël Firon à La Permanence Chorégraphique Porte de La Chapelle-2020 avec le soutien de TRANSAT-Les Ateliers Médicis

En 2021 la chorégraphe laetitia Angot poursuivra son travail visant à créer avec les habitants des danses qui puisent, s’inventent, s’orientent en s’accordant aux lieux et aux personnes qui y vivent.  

« Vaguer, Ralentir, Ecouter Bruire » orientera La Permanence Chorégraphique Porte de La Chapelle vers des pratiques qui interrogeront notre relation et nos usages du temps. 

Elle sera la pièce où viendra se déployer l’écho des pratiques permanentes qui s’inventent suivant des axes de travail accordés à la spécificité des lieux et des personnes. 

Cette année des pratiques transversales inviteront chercheurs et artistes à la rencontre des habitants et une pratique ajustée aux conditions sanitaires accompagnera la création d’une correspondance individualisée entre habitants volontaires et artistes pour permettre la réalisation d’objets sonores et visuels.